Interview du ministre Selaković accordée à Večernje novosti à l'occasion d'un an de travail du gouvernement

27. oct 2021.
L'année est derrière nous où la Serbie, en tant qu’un pays petit mais fier, déterminé à garder jalousement son indépendance politique et sa neutralité militaire, a été forcée de lutter pour ses intérêts dans un environnement politique complexe et semé de problèmes.

Nous avons réussi toutefois à faire beaucoup au niveau international: lutter pour que notre parole soit entendue et pour que nos intérêts étatiques et nationaux soient respectés comme légitimes. Nous avons renforcé et renouvelé de nombreuses anciennes amitiés, et avec certains pays, avec lesquels nous n'avons pas toujours eu de relations harmonieuses dans le passé, nous avons jeté les bases d'une meilleure coopération. Une attention particulière a été portée aux relations dans la région, et notre réponse aux provocations a été des initiatives économiques de connectivité régionale qui peuvent apporter du bien à tout le monde. La Serbie continuera d'agir comme un État prospère et comme un pilier de la stabilité et la locomotive du développement économique de la région.

Dans une interview à Novosti, le ministre des Affaires étrangères Nikola Selaković a résumé ainsi les résultats du ministère qu'il dirige, la première année de travail du gouvernement touchant à sa fin, au cours de laquelle il a enregistré jusqu'à 354 rencontres avec des officiels étrangers, dont 16 présidents, 10 Premiers ministres et 110 ministres.

Entrons-nous dans la photo-finish des pressions sur la Serbie pour qu'elle reconnaisse le Kosovo et quelle est la marge de manœuvre pour notre pays?

- Quiconque pense pouvoir résoudre le problème Kosovo-Metohija en «tordant le bras de la Serbie» et en la forçant à reconnaître l'indépendance proclamée unilatéralement, se trompe grossièrement. Cela ne résoudra pas non plus ce problème, et encore moins la Serbie fera quelque chose comme ça. Quelle que soit l'étroitesse de la marge de manœuvre de notre pays, plus grande est notre détermination à lutter de toutes nos forces pour la protection des intérêts de l'État au Kosovo-Metohija, pour les droits des Serbes et des autres peuples non-albanais, les droits de l'Église orthodoxe serbe, pour la préservation de notre patrimoine religieux, culturel et historique. 

L'information est-elle exacte selon laquelle les grandes puissances occidentales, notamment les Etats-Unis, souhaitent que la question du Kosovo soit réglée d'ici la fin 2022?

- Tout ce que quelqu'un considère comme une solution, implique le consentement officiel de Belgrade. Notre position sur cette question a été très clairement exprimée par le président Aleksandar Vučić, et nous, en tant que membres du gouvernement et la Première ministre, suivons cette position. Si quelqu'un pense qu'il s'agit d'une solution de compromis dans laquelle nous accepterons quelque chose comme un statut résolu- ce n'est ni une solution de compromis, ni une solution du tout. Et nous n’y sommes pas consentants.

Le nouvel ambassadeur américain Christopher Hill vient-il à Belgrade pour terminer ce qu’il a commencé dans les années 1990 - pour enfin faire séparer le Kosovo et pour faire noyer la République Srpska en Bosnie-Herzégovine?

- Nous verrons comment Hill agira lorsqu'il prendra ses fonctions. Mais on n’est pas dans les années 90, ni les gens au pouvoir sont ceux d’alors. Aujourd'hui, la Serbie n'est pas seulement l'une des économies à la croissance la plus rapide d'Europe, mais aussi un pays d'ancrage, un pilier de la stabilité dans cette partie de l'Europe. Il est important pour la Serbie, en plus de rester sur la voie européenne et de cultiver et de promouvoir de vieilles amitiés et partenariats, d'élever ses relations avec les États-Unis à un niveau supérieur. Nos relations diplomatiques de 140 ans sont un enjeu pour l'avenir et l'espoir que de telles relations puissent être créées.

Dans quelle mesure nos bonnes relations avec Moscou y sont-elles un obstacle, qu’on nous reproche constamment de la part de Washington?

- La Serbie mène une politique autonome et indépendante et toutes les décisions sont prises à Belgrade. Bien sûr, tout le monde n'aime pas une telle politique. Nous continuerons à garder jalousement et à promouvoir cette politique étrangère multi-vectorielle, et je ne vois pas pourquoi ce serait un obstacle à la coopération avec qui que ce soit.

Belgrade demandera-t-il à Moscou de s'impliquer directement dans les négociations sur le Kosovo?

- Toute solution qui serait trouvée doit être adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Et il y a là-bas des représentants de Moscou et de Pékin, qui, contrairement aux pays occidentaux, ont des points de vue différents sur cette question. Maintenant, le dialogue entre Belgrade et Priština est sous les auspices de l'UE, en tant que principal garant que ce qui est atteint par l’accord sera observé.

Priština tentera-t-elle de nouveau de devenir membre de l'UNESCO ou d'une autre organisation internationale?

- À tout moment nous agissons comme s'ils le feraient demain. Nous devons être prêts à un tel facteur de surprise, puis, en conséquence, prendre des mesures appropriées et agir.

Cela signifie-t-il que les révocations de la reconnaissance du Kosovo seront activées? On suppose qu'au moins 10 pays sont prêts à prendre cette disposition ...

- Je pense qu'il y a beaucoup plus de pays qui sont prêts à reconsidérer leurs positions sur le Kosovo-Metohija. Nous ne ferons pas le premier pas, car nous serions immédiatement déclarés provocateurs. Qui plus est, nous étions prêts à poursuivre le moratoire sur le lobbying pour les reconnaissances et les révocations de la reconnaissance convenu par l'Accord de Washington, mais il n'y a aucune bonne volonté à Priština de respecter un quelconque accord.

Vous avez récemment visité le Vatican. Le pape peut-il visiter la Serbie bientôt?

- Le Saint-Siège détermine l'agenda de politique étrangère de la visite de son chef sur la base de la communication avec les communautés chrétiennes dominantes dans certains pays. Cela signifie que la réalisation de la visite du Pape en Serbie est étroitement liée à la voix de l'Église orthodoxe serbe. Je suis convaincu que les deux Églises communiqueront et discuteront sur cette question. Il est important pour nous que le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, Mgr Gallagher, avec qui j'ai parlé au Vatican, vienne à Belgrade le 22 novembre prochain. Ils ont une attitude de principe de non-reconnaissance du séparatisme du Kosovo en tant qu'État et leur soutien à la Serbie revêt un très grand intérêt.

Comment voyez-vous les accusations, notamment de la région, selon lesquelles la célébration de l'anniversaire de la fondation du Mouvement des non-alignés à Belgrade a pour fonction de créer un «monde serbe»?

- Cela n’a rien à voir. Nous sommes fiers d'avoir réussi à organiser probablement le plus grand sommet multilatéral d'Europe cette année, à l’heure de pandémie. Le président Vučić a invité les présidents de toutes les anciennes républiques yougoslaves à assister à la réunion, et j'ai invité tous les ministres des Affaires étrangères. Trois vice-ministres sont venus de Slovénie, de Croatie et de Macédoine du Nord, alors qu'il n'y avait aucun représentant à ce niveau de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro. Tout le monde avait une chance, et à mon avis c'était génial, d'être au même endroit, et non à New York, avec 37 chefs de diplomatie des pays de régions éloignées du monde.

Vous avez dit que dans les attaques constantes contre le président Vučić et la Serbie, il y a aussi une ingérence étrangère illégale. Vous pensiez à qui?

- Vučić les met dans l’embarras parce que la Serbie n'est plus à genoux, mais aujourd'hui, c'est un État incomparablement plus stable politiquement, juridiquement réglementé et économiquement plus fort, un nouvel essor du développement de la région. Et en tant que tel, un État, sans aucun dilemme, ne peut répondre qu'à lui-même et au peuple serbe, où qu'il vive. Celui à qui une telle Serbie ne convient pas, fera tout ce qu'il peut pour renverser celui qui est la principale raison pour laquelle la Serbie est telle qu'elle est aujourd'hui, et c'est le président Vučić.